La Vèze, lieu désert et amplement boisé, nous est révélée entre le VIIIe et le XVe siècle lors de la venue à Besançon de personnages de haut rang.
Ce territoire dépend alors de la ville de Besançon et c’est en ce lieu, point extrême de la cité, et seule issue praticable vers les plateaux, que magistrats et notables vont accueillir leurs hôtes.
Nombreux sont les historiens qui considèrent ce chemin qui traverse La Vèze, comme une voie antique, probablement romaine, qui permettait de relier Pontarlier et Ornans à Besançon, par des itinéraires qui, à l’approche de cette dernière ville, se sont souvent modifiés au cours des temps. Cet important trafic routier aurait dû laisser de nombreuses traces archéologiques. Or, un unique denier fourré de Thibère (Musée de Besançon) figure parmi les découvertes effectuées en ce lieu.
A l’écart de la ville, la présence d’une maladrerie citée dès le XIIIe siècle paraît confirmée l’importance de cette voie de communication, qui sera pratiquée jusqu’au XIXe siècle.
Les magistrats de Besançon, seigneurs du lieu, consentent des acensements à La Vèze dès 1233, et font également procéder au défrichement d’une partie de la forêt d’Aglans. Quant à l’habitat autre que la léproserie, il se serait développé au XVe siècle. Mais en 1516 la possession de ce territoire semble contesté, une enquête est effectuée sans résultats d’ailleurs, par le Maître François de Marenches afin de prouver que La Vèze est du Comté de Bourgogne et non de la banlieue de la cité.
Mais les seigneurs-magistrats perçoivent toujours des acensements sur les terres de La Vèze, qui sont en majorité exploitées par des métayers de nationalité étrangère et principalement savoyarde.
Il semble que sous la Révolution, ces métayers aient profité des lois du moment pour s’accaparer des terres, qui antérieurement leur étaient acensées, et cesser de verser à leur seigneur, le cens annuel.
Lors des dernières guerres napoléoniennes, alors que les armées autrichiennes s’apprêtent à faire le blocus de
Besançon, La Vèze est occupée le 7 janvier 1814 par les troupes du 5e bataillon de chasseurs ennemi, et le général Beck s’installe à la cure. Chaque jour, cette garnison va prendre position à la chapelle des Buis et à la ferme Labrot.
L’occupation passée, l’administration française reprend ses prérogatives, et le hameau et les terres de La Vèze qui
font partie du patrimoine de la ville de Besançon, sont ainsi administrés par l’autorité municipale bisontine.
Cette dernière, qui sous la Révolution a perdu ses fermes de La Vèze et leurs revenus constate, contre son gré, un développement démographique du hameau auquel elle doit subvenir. Ainsi la ville de Besançon pourvoit aux dépenses de voirie, des fontaines, de l’instruction publique, du culte, et de tout ce qui est nécessaire à une communauté.
Cette gestion est rendue difficile par l’éloignement du hameau de La Vèze, que la construction de la citadelle et la suppression de la voie qui la traversait par le maréchal Vauban, a encore accru.
Afin d’obvier à ces inconvénients, le conseil municipal dote le hameau d’une structure équivalente à un bourg. Il y nomme garde-forestier, garde-champêtre, et même un agent de police. Or, il apparaît que c’est ce fonctionnaire municipal qui fut l’instigateur de cette vague indépendantiste, qui souffla sur La Vèze au cours du XIXe siècle.
C’est en 1822, qu’une première pétition signée de 50 habitants sur 500 parvient au maire de Besançon, afin de demander le détachement de la cité bisontine, de leur hameau, de ses terres, et de ses bois. Une seconde pétition signée par 27 habitants prie, au contraire, le maire de rejeter cette proposition de séparation, qui ne peut conduire qu’à la ruine, et à la perte de ses habitants.
Cette première tentative ne paraît pas avoir retenu l’attention des autorités, mais en 1833, une nouvelle pétition de 60 signatures parvient au préfet, qui désigne une commission de notables, chargée d’examiner le bien-fondé de cette revendication.
Il en résulte, que les vues des pétitionnaires du hameau de La Vèze, étaient de rentrer en possession des 200 ha de bois, qui permettraient l’attribution de l’affouage et de revenus importants aux habitants de la nouvelle commune. Avantages dont les habitants de Besançon n’avaient d’ailleurs jamais bénéficié.
Très vite, les membres de la commission d’experts se rendent compte que les prétentions des pétitionnaires, sur les propriétés de la ville de Besançon, peuvent être considérées comme des chimères, et qu’elles ne peuvent que nuire aux intérêts des habitants du hameau. Quant au conseil municipal de Besançon « il s’en remet à la sagesse de l’autorité supérieure ».
Et c’est Louis-Philippe, roi des Français, qui le 20 mai 1835 ordonne ce qui suit :
… article 6
« La section de la Vèze, est distraite de la commune de Besançon, département du Doubs, et érigée en commune particulière »…
Ainsi le divorce est prononcé sans recours, mais le partage des biens s’avère beaucoup plus difficile, il nécessite plusieurs jugements dont celui du 12-10-1836 et des arrêts notamment du 26-121838, ainsi que des expertises répétées.
On envisage un partage des biens à la proportionnelle en fonction du nombre d’habitants ou de feux de chaque commune, chiffres qui sont d’ailleurs contestés par la partie adverse : 8.182 feux à Besançon contre 117 à La Vèze, corrigé à 132. Quant à la nouvelle commune, elle n’hésite pas à revendiquer sa part sur les bâtiments bisontins : l’école de dessin, l’académie, le musée, la bibliothèque, le théâtre, et même l’hôtel Droz, 6, rue de la Madeleine.
Durant ce temps, la nouvelle commune doit faire face à de multiples problèmes financiers : nécessité de rétribuer un pâtre (1836), un garde-champêtre (1837), difficulté de financer le salaire de l’instituteur (1839), absence de maison commune (1845), et d’école. Un bâtiment est loué à cet effet au banquier Veil-Picard, bienfaiteur de la ville de Besançon.
Le conseil municipal de La Vèze est dans l’impossibilité d’équilibrer son budget avec pour seules ressources, le centimes additionnels, ainsi que les 1.000 francs de revenus accordés par la ville, conformément à l’arrêt de la cour du 26 12 1838. En outre les partages des biens ne sont toujours pas effectifs en 1845 Aussi devant ces difficultés accumulée les conseillers de La Vèze refusent de siéger et se proposent de remettre leur démission. Les années passent, les problèmes demeurent et en 1856 le conseil municipal de La Vèze fait part de ses griefs concernant la création de cette nouvelle commune, difficultés financières, absences de revenus, augmentation des charges des deux communes séparées, absence de partage des biens après la 21e année de séparation. Aussi avec l’appui de l’ensemble des habitants, le conseil municipal « demande à rentrer dans la position qu’il occupait avant 1835 afin de conserver tous les droits et tous les avantages dont nous étions de temps immémorial en possession ».
Malgré ce mécontentement, les experts poursuivent leur mission, et en 1857 proposent d’attribuer à la nouvelle commune 47,45 ha de bois et 10 ha de communaux. Ce qui semble contenter la communauté de La Vèze. Mais le partage n’est pas encore réalisé en 1862, aussi cette dernière commune qui souhaite en terminer, propose de renoncer à toutes revendications à condition que la ville de Besançon accepte de verser annuellement et perpétuellement une rente de 1.000 francs.
Les difficultés financières s’amplifient, et en 1884 le conseil de La Vèze a recours à l’emprunt pour régler ses créanciers. Mais il doit aussi intervenir auprès de la ville de Besançon, pour percevoir la rente annuelle qui a été fixée à 800 francs. Cette dernière communauté conserve la propriété des 175 ha de la forêt d’Aglans. Ainsi les beaux rêves des habitants de La Vèze, pétitionnaires de la première heure, s’évanouissent, et avec eux s’estompent les portions d’affouage et les revenus sur les bois.
La Vèze, l’une des plus petites communes de France mais également des plus pauvres du département, est maintenant condamnée à végéter, et à recourir aux souscriptions et emprunts pour solutionner ses problèmes. Ainsi faute de crédits, l’équipement de la Garde Nationale est assuré en 1871, par quatre habitants, qui consentent l’avance moyennant intérêt.
La construction de la ligne de chemin de fer « Besançon à la frontière suisse » est à l’origine de l’édification de la route de La Vèze à la gare de Saône en 1884, mais les habitants souhaiteraient une station plus proche, à Morre.
Les chemins de La Vèze sont évidemment pratiqués par la ville de Besançon pour l’exploitation de la forêt d’Aglans. Aussi, le conseil municipal réclame à Besançon une subvention pour l’entretien de cette voirie.
Lors du premier conflit mondial, le village héberge 750 hommes du 64e régiment territorial d’infanterie, et la commune doit pourvoir à ses frais à la fourniture de la paille, du chauffage et de l’éclairage pour la troupe.
Au cours des temps, le conseil municipal de La Vèze se débat toujours avec ses problèmes budgétaires, aggravés par l’érosion monétaire, qui a suivi la Première Guerre mondiale. Ainsi la rente annuelle non indexée est toujours de 800 francs en 1922.
Le conseil réclame bien, sans succès d’ailleurs, la révision de son dû. Nouvelle réclamation en 1932, et en 1965 sans autre résultat. Aussi, les conseillers songent-ils en 1933 à recourir à la loterie nationale, afin d’équilibrer leur budget. Puis après accord avec la ville de Besançon, cette fameuse rente qui avait été porté à 1.000 francs est élevée à 4.000 NF en 1978. A compter de cette date, cette rente versée par la ville de Besançon est indexée, et révisable.
Durant cette longue histoire, le hameau de La Vèze dut faire face à quelques épreuves, d’abord les épidémies en 1812, la fièvre muqueuse ou typhoïde atteint 42 personnes et provoque 4 décès. En 1832, c’est la source qui alimente le village qui est à l’origine de 107 cas de dysenterie et de scarlatine.
Le feu a également fait des ravages. L’incendie le plus mémorable remonte à 1760, en moins d’une heure 26 maisons sont détruites, et 38 ménages ou 157 sinistrés se trouvent complètement démunis. Autre sinistre grave, en 1821, la foudre est la cause de la destruction de 22 immeubles. D’autres incendies sont répertoriés au cours des années 1836, 1855, 1865, à la Grande-Combe en 1875, 1887, 1907, au moulin du Pontot en 1910.
Malgré ses faibles ressources, la commune s’équipe afin de lutter contre ce fléau, une pompe est acquise en 1855, et un dépôt de pompes est aménagé en 1884. En 1909, il est question d’organiser une subdivision de pompiers, pour servir les deux pompes alors en dépôt au village. Le corps de sapeurs-pompiers de La Vèze est dissous en 1956 …
» Extrait du dictionnaire des communes du département du Doubs. Editions du Cêtre »